À la rencontre de: Marie-Monique Robin

Vous avez probablement déjà entendu parler de Marie-Monique Robin! Écrivaine, cinéaste et journaliste d’investigation, elle a réalisé de nombreux films et livres documentaires traduits dans une vingtaine de langues. Après plusieurs ouvrages sur les ravages orchestrés par Monsanto, Marie-Monique Robin était tout récemment interrogée dans de nombreux médias, en France mais aussi au Québec, à propos de la condamnation historique de la firme. Elle revient aujourd’hui avec un film plein d’espoir, qui a pour sujet une petite ville d’Alsace « en transition », et que Multi-Monde a décidé de porter sur les écrans québécois ce mois-ci. En attendant de découvrir le film en salle le 7 septembre, partez aujourd’hui à la rencontre de la cinéaste à travers une entrevue sur son nouveau documentaire: « Qu’est-ce qu’on attend?« .

 

Photo: Solène Charrasse

Comment l’idée de réaliser ce film vous est-elle venue ?

En 2014 j’ai réalisé un documentaire pour ARTE intitulé Sacrée croissance ! qui questionnait le dogme de la croissance économique illimitée et montrait des expériences abouties au nord et au sud de la planète traçant la voie vers une société post-carbone, plus durable, plus juste et plus solidaire. Ces initiatives visaient à développer l’autonomie alimentaire et énergétique des territoires tout en stimulant l’économie locale à travers les monnaies complémentaires. Tourné dans sept pays, mon film ne comportait aucun exemple français. C’est lors d’une projection du film à Thann (Haut-Rhin) que j’ai découvert l’existence du programme de transition exceptionnel d’Ungersheim. L’envie de faire ce film a grandi en moi tout au long de l’année 2015 alors que je tournais un documentaire intitulé Sacré village ! pour France 3 Alsace et Ushuaïa Télévision : on y voit Rob Hopkins – le père du mouvement des villes en transition – déclarer que l’expérience d’Ungersheim est « unique au monde ». 

Vous passez donc de la télévision au cinéma, pourquoi ?

Très vite, il m’est apparu que je ne pourrais jamais utiliser la totalité du matériel filmé car sa richesse dépassait toutes mes espérances. Après mon repérage en février 2015, j’avais écrit un synopsis qui permettait de raconter la mise en oeuvre des 21 actions du programme de transition à travers des personnages clés, sur lesquels je voulais construire mon documentaire, mais j’avais complètement sous-estimé la puissance de la dynamique que génère une démarche de transition globale, encouragée par des élus et désirée par des citoyens éclairés, qui d’un coup sont prêts à libérer le meilleur d’eux- mêmes. Avec le caméraman Guillaume Martin et l’ingénieur du son Marc Duployer, nous avons compris que l’histoire que nous filmions avait une valeur universelle et qu’en ces temps de doute et d’inquiétude – écologique, économique, politique – elle pourrait montrer aux citoyens que des alternatives existent et sont possibles. C’est ainsi que s’est imposée à moi l’idée de raconter cette histoire d’une autre manière : à travers un film, diffusé sur le grand écran.

Comment avez-vous produit ce film ?

Malheureusement, M2RFilms n’a pas pu obtenir l’aide du CNC, car celui-ci avait déjà soutenu la production du 52 minutes pour la télévision. Pourtant, pour réaliser Qu’est-ce qu’on attend ?, j’ai filmé des séquences supplémentaires, et notamment les entretiens conduits en studio, dans « la bulle », ainsi que l’a dit l’un des personnages du film. J’y recueille une parole qui s’adresse au spectateur en lui disant des mots qu’il aurait pu dire, car en ces temps de confusion, qui n’a pas envie d’une cause commune pour remettre de la cohérence dans le grand désordre global ? Bien évidemment, il a fallu reprendre le montage de zéro (quatre mois supplémentaires), le mixage, la musique, créer une affiche, préparer la distribution, etc. M2RFilms a quasiment tout autofinancé.

 


« C’est lors d’une projection du film à Thann que j’ai découvert l’existence du programme de transition exceptionnel d’Ungersheim. »


 

Au delà d’Ungersheim, votre film pose des questions fondamentales sur le vivre autrement…

Alors que je m’apprêtais à raconter le plus fidèlement possible une expérience de transition vers l’après-pétrole, j’ai effectivement été confrontée à des questions fondamentales qui taraudent chacun d’entre nous, et pas seulement les « écolos-bobos ». De quoi avons- nous vraiment besoin pour vivre ? À quoi tenons-nous ? Qu’est-ce que nous voulons transmettre à nos enfants ? Quel est le lien entre le contenu de notre assiette et l’état de la planète ? À quoi sert l’argent ? Quel est le sens du travail ? Qu’est-ce que le « bien commun » ? Et le bonheur ? Toutes ces questions courent tout au long du film.

Que souhaiteriez-vous dire au public ?

J’ai envie de convier les citoyens et citoyennes à venir voir et entendre ce conte des temps modernes, qui montre que tout n’est pas perdu et qu’une autre voie est possible ici et maintenant. J’ai envie aussi de les inviter à s’enfoncer dans un fauteuil et l’obscurité pour plonger littéralement dans ce récit porté non plus par mon commentaire, mais par la voix même de ceux et celles qui écrivent ce que pourrait être le futur et que j’appelle les « lanceurs d’avenir ».

 

 

QU’EST-CE QU’ON ATTEND?  – Dans les salles au Québec dès le 7 septembre 2018.

Infos sur les projections: https://multi-monde.ca/quest-quon-attend/

 

BIOGRAPHIE ET FILMOGRAPHIE DE MARIE-MONIQUE ROBIN

Marie-Monique est née en 1960 dans une ferme du Poitou. À la fin des années 70, étudiante en Allemagne, la jeune fille engagée consacre sa maîtrise à l’apparition d’un nouveau mouvement politique, les Verts. Dans les années 80, ses quatre sous de journaliste débutante passent en billets pour l’Amérique du Sud. Ce sont ses premiers reportages internationaux. Elle sillonne la Colombie, un pays où l’on risque sa vie à révéler ce que certains voudraient taire : en 1988 pour Résistances, elle y compte 26 journalistes assassinés en trois années. Lauréate d’une trentaine de prix internationaux, elle reçoit le prix Albert-Londres en 1995, puis en 2009 le prix « Rachel Carson » (Norvège), En 2013 elle est décorée de la Légion d’honneur par Dominique Méda sur le site de Notre- Dame-des-Landes. Et en 2016, elle reçoit de la SCAM le « Prix Christophe de Ponfilly pour l’ensemble de son oeuvre ». En 30 ans Marie-Monique a réalisé plus de 200 reportages et documentaires. Une dizaine d’entre eux sont associés à des livres.

 

DOCUMENTAIRES LES PLUS MARQUANTS

SACRÉ VILLAGE ! : 52’, France 3 Alsace, Ushuaïa TV, RSI, 2016.

BHOUTAN : À LA RECHERCHE DU BONHEUR : 56’, ARTE, Ushuaïa TV, RSI, 2015.

FEMMES POUR LA PLANÈTE : 52’, ARTE, Ushuaïa TV, 2015.

SACRÉE CROISSANCE ! : 96’, ARTE, RTBF, TSR, RTL Luxembourg, etc, 2014. Prix Greenpeace au Festival Film Vert (Genève 2015), 1er prix du long métrage international au Festival Internacional de Cine Ambiental (Buenos Aires, 2016).

LES MOISSONS DU FUTUR : 96’, ARTE, RTBF, TSR, TéléQuébec, RTL Luxembourg, 2012. Prix TV Ushuaïa au festival du film écologique de Bourges.

NOTRE POISON QUOTIDIEN : 112’, ARTE, RTBF, Discovery Channel, TSR, Télé Québec, etc, 2011.

TORTURE MADE IN USA : ARTE, RTBF, TSR, 2011, diffusé sur le site de Mediapart, octobre/décembre 2010 (120 000 visites) Prix Olivier Quemener du FIGRA 2010, Prix spécial du jury, Festival des Libertés de Bruxelles.

LE MONDE SELON MONSANTO : 108’, ARTE, WDR, ONF, RTBF, TSR, NHK et vingt chaînes internationales, diffusé début 2008. Prix du meilleur moyen ou long documentaire, au Festival international du film francophone en Acadie, Prix spécial du Jury au Festival international du scoop d’Angers, Prix Rachel Carson (Norvège), Trophée des sciences du danger ( Cannes), Etoile de la SCAM, Prix de l’Ekofilm Festival de Cesky Krumlov (République Tchèque), Prix du Meilleur Film à l’Environmental Media Prize de Berlin.

ESCADRONS DE LA MORT: L’ECOLE FRANCAISE : CANAL +/ ARTE, 2003. Prix du meilleur documentaire politique (Laurier du Sénat), Prix de la meilleure investigation du FIGRA. Award of Merit (Latin American Studies Association/ USA). Prix du meilleur documentaire de Egyptian Cinema Critica Association Jury.

VOLEURS D’ORGANES : 52’, Planète Cable/Canal+ Espagne/ARD, 1993. Prix Albert Londres, Prix du Grand documentaire au Festival d’Angers, Prix du meilleur documentaire étranger au Festival de la Havane, Prix du jury catholique au festival de Monte Carlo, Prix Médiaville, 1995.

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